Julie est devant son clavier. Elle tape des mots à la chaine…depuis…bien longtemps. Des jours ? des semaines ? des années ? Julie voudrait bien que ça change. Mais pour cela, il faudrait qu’elle croie en elle, en sa capacité à faire bouger les choses, à réussir quelque chose. Et ça…c’est une autre histoire !
Combien de fois avons-nous entendu de tels propos ? ou avons-nous vécu ce genre de moment ? Changer une situation, oser dire, oser faire… Certains évoquent le manque de courage, d’autres celui de motivation.
Et s’il s’agissait d’un problème d’image de soi ?
Dans cet article, je vous propose de nous pencher sur la question de l’image de soi : sa fonction, ses répercussions dans notre vie quotidienne et comment la faire évoluer pour qu’elle devienne ou redevienne une ressource et un soutien.
LES SOUS-MODALITES SONT RICHES D’INFORMATION.
« D’une manière ou d’une autre, l’Homme doit apprendre à se connaître plus directement. Il faut qu’il prenne davantage conscience de la nature de ses propres pensées et non qu’il se contente de les évoquer comme un automate. » Ian Watson
L’image de soi fait partie de ces expressions linguistiques que nous utilisons de façon automatique. Elle révèle, pourtant, bien des informations dès que l’on prend le temps de l’explorer.
Le concept d’espace mental considère que nous projetons des représentations d’autres personnes autour et dans notre corps.
Richard Bandler a attiré notre attention sur la façon dont nous codons ces représentations (les sous-modalités) et le sens que cette façon de coder l’information peut avoir.
Par exemple, plus une représentation est distante de nous, moins elle a d’impact émotionnel sur nous. A contrario, plus cette représentation est proche, plus elle a de l’impact.
Lucas Derks, poursuivant ces travaux et les appliquant aux relations sociales, est arrivé à la conclusion que « relation = localisation ». L’endroit (distance, hauteur de l’image) où nous plaçons les représentations dans cet espace mental, la taille de l’image, l’orientation du regard, le niveau de ses yeux déterminent la signification relationnelle et émotionnelle de la relation.
Par exemple, lorsque nous ressentons qu’une personne a du pouvoir sur nous, sa représentation sera souvent positionnée en hauteur (que nous nous sentions dominé ou que nous admirions cette personne). A contrario, c’est nous qui ressentons du pouvoir sur l’autre lorsque sa représentation est située en dessous de la ligne d’horizon (et que, donc, nous devons baisser nos yeux pour la voir).
Voici quelques exemples d’application lors d’accompagnement de coaching ou de thérapie : difficulté à prendre sa place, problèmes avec l’autorité, négociation, peur, conflits relationnels, …
EXPLORER LA CONSCIENCE DE SOI
« La conscience de soi est cette capacité à observer sans effort, à remarquer ce qui est là partout dans notre corps et tout autour de nous sans aucune limite ou fin en soi. Vivre en conscience, c’est poser l’intention d’inclure, dans notre vie, cette pleine capacité à remarquer ce qui est présent dans notre corps et tout autour. » Connirae Andreas – “Coming to Wholeness”
Le modèle du Panorama Social, créé par Lucas Derks, se concentre sur la conscience préverbale de soi, la conscience du « moi » qui précède l’utilisation du langage. Cela nous ramène à notre noyau social et nous permet en même temps d’échapper à toutes les discussions philosophiques sur la signification exacte de termes tels que « identité », « soi », « ego », « moi-même », etc. (Lucas Derks)
Parce que la conscience de soi est toujours présente chez une personne, elle forme un arrière-plan continu à son expérience subjective. Cette continuité entraîne un degré élevé de familiarité inconsciente. En d’autres termes, nous sommes toujours nous-mêmes, mais c’est tellement normal que nous ne nous en apercevons que lorsque quelque chose ne va pas.
Il est difficile de trouver des mots pour parler de notre « moi », principalement parce qu’il est inaccessible à notre conscience basée sur le langage. Nous devons recourir à des expressions vagues et à des métaphores. Si nous oublions d’essayer d’en parler, il ne nous reste plus que les sentiments, les images et les voix internes qui constituent la conscience de soi.
Cette conscience de soi dépend du contexte et est composée :
- D’une sensation de soi,
- D’une image de soi,
- D’un lien / connexion entre la sensation et l’image.
L’IMAGE DE SOI EST UN GUIDE COMPORTEMENTAL.
« Tout ce qui ne vient pas à la conscience, ce qu’on ne veut pas savoir de nous-mêmes, ce que nous évitons de reconnaître en nous-mêmes … nous revient sous forme de destin. » Carl Jung
Et l’image de soi dans tout ça ?
Comme ces personnes qui sont représentées quelque part, nous disposons également d’une représentation de nous. Cette image est comme une sélection des différentes versions que l’on peut avoir de nous-même selon les contextes (famille, amical, travail, …).
Elle contient des informations sur notre position, notre statut et notre rôle social et elle va donc impacter directement nos comportements, nos émotions, notre façon d’être…
Elle est positionnée, en général, face à nous car elle nous sert de guide lorsque nous agissons. Elle nous permet de répondre à la question : « Est-ce que c’est bien comme ça qu’il faut se comporter ? parler ? agir ? », de rectifier notre posture et de nous adapter à la situation et au contexte.
La petite image que Julie se fait d’elle-même dans le contexte professionnel lui indique qu’elle a peu de pouvoir sur la situation et la décourage de chercher à changer quoi que ce soit.
L’image taille réelle, en couleur, à 1 mètre qu’elle a d’elle-même dans son contexte familial lui montre la place importante qu’est la sienne dans sa famille.
Si Julie ne prend pas la peine de s’opposer aux décisions qu’elle trouve inappropriées dans son entreprise, elle s’implique activement dans toute réflexion concernant sa famille.
Prendre conscience des différentes images que nous avons de nous-même selon les différents contextes de notre vie peut nous donner des pistes de compréhension de certaines de nos attitudes (ex : Je suis si timide dans ma famille et si extravertie avec mes amis) et d’amélioration lorsque nous nous sentons limités dans un contexte.
La PNL trouvera, ici, un outil supplémentaire pour accompagner les personnes désireuses de modéliser des experts (ex : quelle image de vous-même avez-vous alors que vous donnez une conférence devant 1000 personnes ?) ou de s’auto-modéliser (ex : Je sais être organisée dans mon travail alors que c’a m’est impossible à la maison).
Voici quelques exemples d’application lors d’accompagnement de coaching ou de thérapie : assertivité, prise de parole en public, modélisation, coaching de performance…
LORSQUE NOTRE POSITION EVOLUE DANS LA VIE, NOTRE IMAGE DE NOUS EVOLUE ÉGALEMENT.
« Nous voulions changer le monde, mais le monde nous a changés. » Ettore Scola
Julie n’a pas toujours été résignée. Quand elle a commencé sa carrière, elle avait un enthousiasme débordant. Elle était prête à changer le monde ! Elle ne comptait ni son temps, si son énergie et elle accumulait les succès. Elle se sentait forte, grande, puissante. Ça n’est que depuis le rachat de son entreprise par une multinationale et la mise en place d’une toute nouvelle organisation, qu’elle se sent petite, inutile pièce dans un engrenage qui tourne dans le vide.
Le concept psychologique de « mémoire autobiographique » décrit le stockage et le rappel d’événements spécifiques. Mais nous devons supposer que des généralisations sont continuellement faites sur la base de ces événements. Le cerveau forme automatiquement des généralisations abstraites à partir d’expériences sensorielles concrètes. Cette tendance à regrouper toutes les expériences en concepts compacts régit le développement psychique de l’Homme. Il en résulte une pensée abstraite, une rationalité et une logique. Le langage saisit ces généralisations dans des symboles et les rend gérables et communicables. (Lucas Derks)
C’est comme cela que Julie en arrive à la métaphore : « inutile pièce dans un engrenage qui tourne dans le vide » qui prend sa source dans l’expérience sensorielle concrète qu’elle vit au quotidien lorsqu’elle est au bureau et qui décrit la façon dont elle se sent aujourd’hui.
L’image de nous évolue donc au travers du temps, en fonction de ce que nous vivons et de la façon dont nous le vivons. Julie avait, au début de sa carrière, une image d’elle : grande avec des caractéristiques correspondant à « forte » et « puissante ». Aujourd’hui, son image est petite.
Quel que soit la situation, l’image de soi remplit toujours cette fonction de guide comportemental. Elle nous permet de nous adapter à la nouvelle situation et au nouveau contexte.
Julie ne se comporte plus aujourd’hui comme elle se comportait au début de sa carrière. Elle a arrêté de prendre des initiatives et de communiquer les informations que ses collaborateurs lui remontent. Elle a également évolué dans sa façon de parler de qui elle est quand elle évoque sa situation professionnelle.
Parfois, également, nous ajoutons un rôle à notre partition (parent, nouveau poste, …) ou nous le modifions (parent d’un petit enfant => parent d’un adolescent, collaborateur pro-actif => collaborateur démotivé, …). Que ce soit un choix ou un évènement subi, il peut nous sembler difficile de savoir quelle posture adopter, qui nous souhaitons être dans ce rôle et comment habiter ce nouveau costume. Notre image de nous-même n’est pas claire, pas vraiment définie, un peu floue.
Cette difficulté peut avoir plusieurs origines comme :
– Le changement a été brutal et nous n’avons pas eu le temps de nous envisager dans ce rôle.
Par ex : Je viens d’être promu à un poste nouvellement créé pour répondre à un nouveau besoin. Je n’ai pas encore bien compris les contours de ce poste ni sa place dans l’organigramme.
Autre ex : Je viens d’accoucher. Je n’avais pas souhaité cet enfant. Je ne connais son père que depuis quelques mois. Le couple, vivre ensemble, la parentalité … ça va trop vite.
-Le changement n’est pas vraiment accepté, nous n’avons pas très envie de nous envisager dans ce rôle.
Par ex : Mon manager a été appelé à de plus hautes fonctions. Il a été décidé que je prendrai sa place. Je n’ai pas du tout envie d’être le supérieur de mes anciens collègues. Si je ne peux pas dire « non », intérieurement, je ne dis pas « oui ».
Autre ex : Mon enfant est devenu adolescent. J’aimais bien le rôle de parent d’un petit enfant. Je n’ai pas envie de modifier ce rôle, d’arrêter de l’accompagner tous les matins à l’entrée de l’école ni de ne plus lui raconter une histoire chaque soir.
-Nous n’avons pas la moindre idée de comment ce rôle pourrait s’incarner en respectant nos valeurs car nous n’avons aucun modèle ou que des contre-exemples.
Par ex : Je suis désormais à la tête de l’entreprise familiale. Je n’ai pas du tout envie de reproduire le leadership très directif de l’ancienne équipe de direction. Faire autrement, certes, mais quoi ? et comment ?
Autre ex : Lorsque mes parents ont divorcé, ils se sont déchirés et j’ai payé les pots cassés. Comment réussir ma séparation et protéger mes enfants ?
Pour nous aider, nous nous référons, parfois, à une sorte de mentor (notre prédécesseur, une grand-mère, un personnage historique, …). Nous demander ce qu’aurait pensé ou fait cette personne à notre place peut nous aiguiller dans nos choix. Nous utilisons alors son image comme « point de référence » jusqu’à ce que nous développions notre façon unique et singulière d’incarner ce nouveau rôle et une image de nous suffisamment nette qui la représente et nous guide.
Voici quelques exemples d’application dans l’accompagnement en coaching ou en thérapie : prise de poste, arrivée ou départ d’un enfant, séparation, reconversion professionnelle, crise d’identité, perte de sens,…
L’IMAGE DE SOI EST UNE PURE CRÉATION DE NOTRE ESPRIT
« La réaction de panique des peuples primitifs devant toute capture de leur image peut prêter à sourire. Ce sentiment d’être piégé dans une représentation trompeuse, une version réductrice de soi, un cliché grotesque et grimaçant, je le comprends pourtant mieux que personne.» Le consentement (2020) de Vanessa Springora.
Dans le concept de l’espace mental, la représentation de nous-même, cette image de soi, n’est pas la réalité. Ce n’est ni une photographie ni la façon dont les autres nous voient. Même pas la façon dont nous nous voyons dans le miroir.
C’est une construction mentale, une pure création de notre esprit.
Et pourtant, bien souvent, nous croyons que cette image est nous-même, nous pensons que les autres croient également que c’est nous. Mais nous sommes les seuls à voir cette image. Elle n’est, d’ailleurs, qu’une partie de nous, dans un contexte donné. Il peut parfois être utile de le rappeler aux personnes que nous accompagnons et qui prennent cette image pour vérité. Alors que parfois, elle n’est que … mensonge. Qu’elle soit valorisante ou dévalorisante, elle n’est que le reflet de nos croyances sur nous-même, sur notre place parmi les autres et notre rôle dans ce contexte. Aidante, bien sûr, puisqu’elle nous montre les comportements à adopter, l’attitude à avoir en fonction de notre position sociale. Limitante, parfois. Il ne tient qu’à nous de faire en sorte qu’elle soit la plus soutenante et aidante possible.
Un mail de la direction surgit sur l’écran de Julie. Elle croyait pourtant avoir désactivé la notification des mails…encore un loupé ! Les mains de Julie se crispent sur le clavier, sa vue se brouille, son cœur s’accélère… Jusqu’à quand ? Julie sent comme une force se dresser à l’intérieur d’elle, une force qui évolue en détermination et qui crache comme un point final : « Cette vie, c’est pas moi ! ».
L’IMAGE DE SOI PEUT SOUTENIR NOS OBJECTIFS, BUTS ET FINALITÉS.
« Il est toujours grandiose et significatif d’atteindre, au jour prescrit, l’objectif qu’on s’était fixé. Champion olympique avec préméditation, ça ira bien chercher dans les dix ans de frisson ferme. » Ma vie entre les lignes d’Antoine Blondin
En alliant notre connaissance des sous-modalités, des polarités, de la constitution de la conscience de soi (sensation de soi, image de soi et lien entre les deux) et notre expertise dans l’art de la modélisation, nous pouvons construire ou modifier une image de soi de façon à ce qu’elle corresponde à qui nous sommes lorsque nous atteignons nos objectifs, nos buts et sommes qui nous souhaitons être, en total respect de ce qui est important pour nous.
Après avoir modifié la taille de son image de soi, rendue lumineuse et souriante, Julie s’est questionnée sur son avenir dans cette entreprise. Que souhaite-t-elle vraiment ? Partir ? Rester ? Et comment ? Qu’est-ce qui serait le plus écologique pour elle ? Sa belle image face à elle, son panorama rééquilibré, Julie ne se sent plus ni faible ni petite. Elle se voit, au contraire, de taille à considérer la situation. Nul besoin de dénis. Ses décisions ne seront plus prises par dépits. Il s’agira de choix, de vrais choix qui respectent ses valeurs.
EN CONCLUSION
Cet article met en lumière l’importance cruciale de l’image de soi dans notre vie quotidienne et explore comment cette représentation mentale peut agir comme un guide comportemental. En utilisant des concepts tels que les sous-modalités et les polarités, nous voyons comment la conscience de nos différentes images de soi dans divers contextes peut fournir des clés pour comprendre et améliorer nos réactions. L’évolution de l’image de soi au fil du temps est un phénomène naturel qu’il est possible de remodeler. En combinant la connaissance des sous-modalités, des polarités et de la modélisation, nous pouvons construire une image de soi alignée avec nos objectifs et nos valeurs, favorisant ainsi des choix conscients et authentiques.
Je vous invite donc à repenser votre perception de vous-même et à reconnaître le pouvoir que nous avons de façonner une image de soi soutenante.
Isabelle LOIRE